Blaise Matuidi, le milieu international français qui réalise une grosse saison avec le Paris Saint-Germain mais aussi avec les Bleus s'est livré en toute simplicité dans une interview pour Le JDD.fr
Blaise Matuidi s'interroge sur son avenir au PSG. (Bernard Bisson pour le JDD)
Cet homme était à l'Euro 2012 en Ukraine et personne ne s'en souvient. Il est aujourd'hui l'égérie de l'équipementier des Bleus et tout le monde l'adoube. Blaise Matuidi, 25 ans, est le joueur français des six derniers mois, "un des meilleurs milieux d'Europe " selon Carlo Ancelotti. Rencontré juste après le tirage de la Ligue des champions, il avait l'air content de croiser Barcelone, quoique… "On aurait été plus heureux de prendre Malaga." Content de retrouver dimanche soir "la ferveur" de Saint-Étienne, où il a joué quatre saisons (2007-2011), sans tomber dans le mélo : "Ça fait quelque chose, mais j'ai le cœur parisien." De l'espoir stéphanois à la nouvelle star internationale, genèse d'un phénomène.
À quoi a ressemblé votre enfance?
J'étais un gosse de quartier, issue d'une famille modeste même si on ne manquait de rien. Mon père et ma mère viennent d'Angola. Ils ont quitté le pays à cause de la guerre et ont vécu pas mal de temps au Zaïre (actuelle République Démocratique du Congo) avant de tenter leur chance en Europe. Je suis allé en Angola pour la première fois il y a deux ans. Je vais bientôt y retourner. Ma grand-mère vit là-bas. J'ai surtout gardé la culture congolaise. Je parle le lingala, alors que je ne parle pas le portugais.
Quel genre d'élève étiez-vous : travailleur comme au foot?
Jusqu'à un certain âge. À partir du moment où je suis rentré à l'INF Clairefontaine, j'ai mis l'école de côté. Ça m'a desservi, je n'ai pas pu avoir mon Bac. J'ai un BEP vente. J'ai voulu retourner en 1re d'adaptation, mais j'ai intégré le monde professionnel à ce moment-là. Si je n'avais pas été footballeur, j'aurais bien aimé travailler dans l'informatique. Mais j'ai toujours adoré le foot. Mon premier souvenir, c'est un flash : j'ai trois ans et je veux jouer avec mes grands frères sur la plateforme à Toulouse, le terrain en béton au milieu de la cité où on habitait.
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«J'ai toujours envie d'aller plus haut. La question, c'est : le PSG est-il ce qui se fait de mieux aujourd'hui?»
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Vous avez ensuite déménagé à Fontenay-sous-Bois et vous êtes devenu fan du PSG. Pourquoi ne pas y avoir tenté votre chance?
Parce qu'à l'époque, c'était difficile d'en sortir. Le PSG me voulait quand j'avais 12, 13 ans. J'avais fait des essais. J'ai même joué un tournoi avec Clément (Chantôme). On avait le choix entre Verneuil (où se trouve le centre de préformation du PSG) et Clairefontaine. Lui a choisi la filière PSG, moi l'INF et on se retrouve au même endroit aujourd'hui. Nous sommes des Parisiens de base comme Mamadou (Sakho), Kévin (Gameiro) ou Jérémy (Ménez). Se retrouver dans ce PSG-là, c'est un mérite supplémentaire.
Vous vous imaginiez évoluer au PSG avec David Beckham, un jour?
Bien sûr que non. Petit, c'était un rêve de jouer pour mon club. J'allais aux matches à l'époque d'Okocha. Les changements d'aile en diagonale de Jay-Jay, j'adorais. Cette période était un peu pénible. Mais quand tu viens de la capitale, le coeur est toujours là même si les résultats ne suivent pas. En grandissant, mes ambitions ont évolué. Je me voyais beaucoup plus haut que le PSG. Je ne pensais pas que ce club deviendrait ce qu'il est. Je suis arrivé dans le contexte qui correspondait à ce que je désirais. Le bonheur.
Comptez-vous y rester pour toujours comme l'a suggéré Nasser al-Khelaïfi?
Tout peut arriver...
Mais avez-vous envie de prolonger? Il ne vous restera plus qu'un an de contrat en juin prochain.
Je me sens bien à Paris, mais il y a plein de paramètres qui entrent en compte. J'ai toujours envie d'aller plus haut. La question, c'est : le PSG est-il ce qui se fait de mieux aujourd'hui ? Ça, je ne le sais pas. Certains clubs comme Barcelone ont une identité depuis très longtemps, mais Paris c'est l'avenir. C'est un club qui aspire à évoluer à ce niveau-là. C'est un projet plus qu'intéressant et j'en fais partie. Donc pourquoi ne pas continuer, oui...
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«Petit, j'avais déjà cette mentalité de gagneur. Quand je perdais, je pleurais.»
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Prenez-vous autant de plaisir à jouer au foot aujourd'hui que quand vous étiez gamin?
Oui, mais il y a l'enjeu en plus. C'est notre gagne-pain. En même temps, petit, j'avais déjà cette mentalité de gagneur. Quand je perdais, je pleurais. Mes amis me rappellent souvent ces moments. Si j'en suis là, c'est que j'ai un peu de talent. Mais mon point fort, c'était la volonté.
L'été dernier, quand vous regardez l'effectif du PSG, vous vous dites quoi? Blaise, faut que tu montres que, toi aussi, t'as des qualités à faire valoir. Il y a de la concurrence? Normal, t'es dans un grand club et c'est ce que tu voulais." Au fond, j'étais content : ça me plaît de me sentir en danger. J'ai eu une discussion avec le coach. Je lui ai dit que j'étais prêt à me battre et à montrer que j'avais ma place. Quand Carlo Ancelotti est arrivé en milieu de saison dernière, on a annoncé que je n'allais plus jouer. Au final, j'ai fait une saison à 29 matches et si je ne m'étais pas blessé, j'aurais joué un peu plus.
Mais de là à devenir incontournable en club comme en sélection…
J'enchaîne et j'essaie d'être régulier. Quand je fais un bon match, je le sais. Mais je me remets toujours en question. C'est le regard extérieur qui a changé. Aujourd'hui, j'ai beau mettre la capuche, il n'y a pas un endroit où on ne me reconnaît pas. Je ne vais pas me plaindre, c'est ce dont je rêvais quand j'étais petit. Mais quand t'es en famille, t'as envie d'être un peu tranquille. Mes enfants ne comprennent pas trop ce qui se passe. C'est le boulot. Quand ça s'arrêtera, je me dirai : "Putain, c'était bien."
Vous avez déjà disputé 46 matches cette saison. Pas trop fatigué?
Je l'étais après Nancy (2-1). Je ne suis pas une machine mais j'ai un bon coffre et une grosse capacité de récupération. Je ne me prends pas la tête. Les saisons précédentes, à force de cogiter, je me blessais et je rechutais. Quand je suis sur le terrain, je mets les œillères et je fonce. J'ai des copains qui jouent beaucoup moins et je vois leur déception : ce serait leur manquer de respect de me plaindre. On me donne la chance de jouer : "Blaise, ferme ta bouche même si t'es fatigué!"
LeJDD.fr
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